Pink Floyd
Je ne vais quand même pas vous faire
l'affront de vous résumer la carrière de ce groupe ! Vous le connaissez tous. Soit pas
en partie, en grosse partie, soit pas en intégralité. Du coup, j'ai un peu l'impression,
plus encore que dans d'autres cas de figure, de devoir m'atteler à la rédaction d'un
article qui ne viendra que comforter les opinions des uns et des autres au sujet de leur
groupe fétiche.
On le sait, la machine à rêve qu'est PINK FLOYD, ce groupe " au son venu d'ailleurs
" que, déjà Gini sponsorisait en son temps lors de ses tournées
hexagonales, est très vite devenue aussi, et surtout, une machine à sous. Et comme
l'argent appelle l'argent, cela n'étonnera personne de se rendre
compte que leur plus gros carton, ils l'ont signé avec un titre qui en fait justement
l'éloge.
PINK FLOYD ne veut pas dire fluide rose, une définition qui collerait que trop bien à
l'univers hallucinogène que développait le groupe dans ses
premières années. A force de vouloir construire une légende, on est amené parfois à
raconter n'importe quoi... Non, c'est plus terre à terre que cela. Il s'agit juste d'un
hommage à deux bluesman, Pink ANDERSON et Floyd COUNCIL, puisque, ne l'oublions pas,
toute la scène progressive anglo-saxonne découle du blues boom anglais survenu au milieu
des années soixante que quelques musiciens plus aventureux que de coutume amèneront sur
des chemins jusque là inconnus.Et ce fût le cas pour notre quatuor constitué pour
l'heure de Roger " Syd " BARRETT (chant, guitare), Nick MASON (batterie), Rick
WRIGHT (claviers) et Roger WATERS (basse, chant).
BARRETT est alors l'instigateur, la force vive du groupe. Il lui insuffle son sens de
l'humour et de la dérision dans ses textes, et ce soupçon de folie incroyable qui fait
de leur premier album The Piper at the Gates of Dawn (1967) , publié la même
année que le mythique Sergent Pepper's Lonely
Hearts Club Band des BEATLES, et plus encore que celui-ci, peut-être
le premier manifeste du rock psychédélique. Cette folle aventure qui vient
pourtant juste de commencer va vite se terminer en tragédie. Complètement
désarçonné par la tournure spectaculaire des évènements et soumis à une
dépendance trop fulgurante aux bonbons colorés, BARRETT pète littéralement
les plombs. La vie du groupe devient un enfer. D'abord sur scène, où Syd
BARRETT n'assume plus son rôle, ensuite en studio, où même lors de l'écriture
des morceaux le bonhomme se montre imprévisible. Pour continuer à être
la bête de scène que PINK FLOYD est déjà à l'hiver'68, les trois autres
membres du groupe font appel à un pote, David GILMOUR, dont la place,
au départ, était prévue comme soutien au groupe lors des concerts. Mais
la situation devenait vraiment impossible à tel point que PINK FLOYD dû
faire face à l'inéluctable : faire une opération à coeur ouvert et extraire
le cerveau de cette entité, promise à un bel avenir, et qui vient à peine
de voir le jour.
Il ne nous en faut pas plus pour comprendre ce qui va advenir du groupe par la suite ...
En 1968 paraît donc A Saucerful of Secrets. L'esprit de BARRETT flotte encore
sur cette livraison (où il réussit tout de même à joindre un titre, " Jugband
Blues) avec ses passages délirants (Set the Controls for the Heart of the Sun)
mais un profond sentiment d'introspection règne, comme
si, subitement, c'est tout le groupe qui portait la camisole. Une commande de musique de
film en 1969 permet au groupe une petite respiration. C'est More dont tout le monde
fait un foin pas possible alors que je n'arrive pas, personnellement, à comprendre
l'engouement qu'il suscite. Sans doute à mettre sur le compte de la nostalgie. Une vision
du film permettrait peut-être aussi de mieux en situer le propos. Et le constat sera le
même pour la musique de LaVallée, appellée Obscured by Clouds,
publiée deux ans plus tard.
Mais avant cela paraît le double Ummagumma (1969) qui fait le
compromis entre album en concert (le premier disque) et sessions studios
(le second). C'est encore un succès colossal, non pas pour la musique
qu'il contient, mais en raison de l'offre promotionnelle de l'époque qui
proposait "deux disques pour le prix d'un". Ummagumma
est pourtant ce que le FLOYD a fait de plus extrême. Un truc improbable
et incompréhensible, insaisissable et tellement envoûtant, à la manière
du Trout Mask Replica de Captain BEEFHEART,
paru la même année. Le disque live souffre d'un son un peu trop étouffé
mais les quatre titres présents sont absolument renversant d'intensité
(on retiendra en particulier Careful with that Axe, Eugene ).
Quant à la session studio, elle est le prétexte à un faire valoir individuel,
un peu comme ces interludes qui offraient des respirations en solitaire
sur l'album Fragile de YES. Seulement,
ici, l'accent n'est pas mis sur le consensuel, mais sur le trouble. Un
disque qui ne peut entraîner que des réactions épidermiques exacerbées,
de rejet, de dégoût ou de fascination face à l'innomable. Mon parti pris
est pour ce dernier, la suite en quatre actes de Rick WRIGHT, Sysyphus,
restant pour moi un tout grand moment avec un mellotron à vous couper
le souffle.
A partir d'ici, PINK FLOYD va tout doucement commencer à vraiment essayer de prendre sa
carrière en main, Roger WATERS poussant le groupe à s'orienter vers un format chanson
plus carré. Le premier résultat de ce travail collectif est l'ambitieux Atom Heart
Mother (1970) qui, après DEEP
PURPLE et son Concerto for Group and Orchestra en 1969, et YES avec Time and
a Word, s'essaye aussi aux charmes de l'ensemble symphonique.
Essai peu concluant hélas, mais pas un échec cuisant pour autant. Comme pour ses
illustres prédécesseurs, et en dépit de la présence cruciale de Ron
GEESIN à l'orchestration, le résultat paraît un peu boîteux. Hormis la compilation Relics
qui paraît en 1971 et que, déjà, une armée de fans
s'arrachent à des milliers d'exemplaires, leur vrai nouvel album, Meddle va
peaufiner ce que le groupe avait tâché d'entreprendre précédemment. Pour
balayer le mauvais souvenir de leur académique précédent effort, la plage qui ouvre
l'album sonne comme une vengeance et One of These Days montre un PINK FLOYD
hargneux qui revient à l'héritage blues sur une partie de slide guitare démentielle
jouée par David GILMOUR, déployé sur le tapis de delay façonné à la basse par Roger
WATERS. PINK FLOYD semble avoir trouvé sa voie et va donc désormais se concentrer sur
les textures et les nappes, devenant, très vite, les professionnels du genre. Une
ébauche de ce style apparaît sur le gargantuesque Echoes qui, de ses vingt
trois minutes hantées, va définitivement asseoir leur style.
Et puis, The Dark Side of The Moon en 1973, avec le succès que l'on sait, avec
cette production d'orfèvre signée Alan PARSONS. Un bon disque, certes, mais très
largement surestimé. Je lui préfèrerais encore Wish You Were Here (1975), à
sa suite, différent, mais tellement proche à la fois.
Pour rester dans le coup face à l'émergence d'une scène punk de plus en plus
envahissante, WATERS compose tout le matériel d'Animals (1977),
laissant carte blanche à GILMOUR pour des parties de guitare qui se veulent dans l'aire
du temps. Ce sera un coup dans l'eau. Un autre disque surmédiatisé sera le double
concept album de 1979, The Wall dont le réel tour de force incombe à Bob EZRIN
qui a eu la lourde tâche d'arriver à recomposer quelque chose de plus ou moins élégant
à partir de pièces éparpillées. PINK FLOYD étant devenu l'exutoire privilégié des
délires paranoïaques de Roger WATERS, Rick WRIGHT s'en va, lui laissant le champ libre
pour s'enfoncer d'avantage dans ce sérieux et cette prétention
qu'ils affichent depuis 1973 ; ce sera le disque du divorce définitif, WATERS concédant
sa place après la sortie de The Final Cut, en 1983, sombre, mais ennuyeux.
Depuis, GILMOUR veille au grain (avec le retour de Rick WRIGHT sur The Division Bell
en 1994) et ballade la carcasse de ce phénomène de foire
comme une institution, basant toute leur stratégie sur l'aura que le groupe véhicule
bien malgré lui depuis des décennies.Et vous savez quoi ? C'est pas prêt de s'arrêter
...
(D.S)
Quelques liens sur
le sujet:
http://www.pinkfloyd.net/