Ruins
Comme c'est le cas pour Christian VANDER
avec MAGMA, Tatsuya YOSHIDA, clairement influencé par cette
formation majeure du progressif français, a fait de RUINS sa chose, son laboratoire. Tout
comme pour MAGMA, YOSHIDA s'est employé à créer un langage propre au groupe, une série
bizarre d'onomatopées et de jeux sur les prononciations qui sont sans aucune mesure avec
le côté très sérieux affiché par la langue parlée sur Kobaïa.
L'aventure de nos extrêmistes nippons débute déjà en 1986 avec une série de mini
albums et autres singles, mais leur premier réel manifeste sera publié
quatre ans plus tard. Il s'agit de Stonehenge qui, de par sa pochette, illustre
déjà la fascination obsessionnelle que cultive Tatsuya YOSHIDA à l'égard des roches et
autres pierres qu'il mitraille de son appareil photo lors de ses innombrables excursions
de par le monde. La musique déployée est aussi solide que ces morceaux de cailloux et la
puissance évocatrice de leurs morceaux va bien plus loin que tout ce que l'on a bien pu
entendre dans le giron progressif. A y regarder de plus près, mis à part l'influence de
MAGMA, et par conséquent, cette propension à se jouer des structures alambiquées à
l'aide d'une technique en diable, l'esthétique des RUINS est pourtant plus à rapprocher
des scènes hardcore et postpunk, avec un son énorme et sursaturé, faisant de leurs
suites de titres une aggression permanente à l'égard de l'auditeur, aussi bien dans la
forme que dans le fond. Car RUINS dérange. Et le fait le plus destabilisant, c'est qu'ils
ne sont que deux pour faire un boucan pareil : YOSHIDA, à la batterie et au chant, bien
sûr, et Ryuichi MASUDA à la basse cinq cordes ! Le principe veut que YOSHIDA s'entoure
de bassiste si compétent que leur jeu leur permet de faire office à la fois de basse et
de guitare !
Du reste, RUINS n'aura de cesse de proposer une déclinaison toujours plus fouillée et
extravagante d'un matériel qui laissera bouche bée ceux qui
pensaient que les frontières de l'impossible avait été atteint avec Mr BUNGLE ou NAKED
CITY. Burning Stone en 1992, à la production plus soignée, vaut au groupe
de se faire remarquer et va commencer à tourner intensément. D'abord signés, quoi de
plus normal, chez Shimmy Disc, label à
l'esthétique clairement hardcore, pour Infect (1993) et Graviyaunosch (1994),
nos deux allumés se font remarquer par John ZORN qui, en grand admirateur de la scène
nippone, s'empresse de leur signer un contrat sur son label Tzadik. Avec Hyderomastgroningem,
en 1995, c'est le baptême de feu et la diffusion plus massive de leur matériel, aidé
par des tournées incessantes, toujours aussi intensives et généreuses.
Alors que Shimmy Disc publie en 1997 un fond de tiroir du nom de Refusal Fossil
qui permet d'entendre - même si on le distingue très mal vu la
piètre qualité des bandes - un RUINS en concert, nous gratifiant au passage de son
désormais célèbre medley progressif où ils revisitent en deux minutes tous les
classiques du genre, YOSHIDA continue de combler comme il peut son débordant besoin
d'activité en collaborant, d'une part, avec l'aide de son nouveau bassiste, Sasaki
HISASHI, à un trio free jazz avec le guitariste anglais Derek BAILEY (Saisoro et
Tohjinbo), mais d'autre part aussi, et c'est nettement plus important pour la
suite, un autre groupe, KOENJIYAKKEI (le nom du quartier des disques d'occasion à Tokyo)
où, il sera secondé par son fidèle bassiste, Ryuichi MASUDA, qui s'essaye du coup à la
guitare, mais aussi par Aki KUBOTA, fraîchement récupérée après son départ de
BONDAGE FRUIT (un autre groupe se revendiquant de la mouvance zeuhl nippone).
KOENJIYAKKEI, en étoffant le son par la présence de claviers relativement grotesque,
scelle le sort de ceux qui n'arrivaient pas à admettre l'influence magmaïenne dans leur
oeuvre. Trois disques sont d'ores et déjà disponibles : Hundred Sights of Koenji
(1995), Viva Koenji ! (1997) et Nivraym (2001). Ces disques sont tous aussi
recommendables les uns que les autres. D'autant qu'ils constitiuent peut-être une entrée
en matière moins ardue pour ceux qui aimeraient, sans courir trop de risques dans un
premier temps, se pencher sur le phénomène.
A moins que la publication de RUINS de
1998, le bien nommé Symphonica, fasse l'affaire puisqu'on y retrouve,
outre Aki KUBOTA au chant, Sasaki
HISASHI, et le claviériste Kenichi OGUCHI pour une réadaptation plus étoffée et
revisitée à la sauce zeuhl des titres les plus marquants du répertoire du groupe. La
même année paraît Vrresto et trois ans plus tard Pallaschtom, sur le
label de YOSHIDA, Magaibutsu, heureusement distribué en France via le label indépendant
Sonore. C'est un retour à la formule hardcore basse/batterie, avec cette fois, un medley
classique, et l'intrônisation de
Sasaki HISASHI en tant que bassiste attitré, Ryuichi MASUDA quant à lui, préférant
retrouver YOSHIDA au sein de son groupe soeur, KOENJIYAKKEI.
Notons qu'avant la publication en 2001 sur Tzadik du live Mandala 2000: Live at the
Kichijoji Mandala II, Tatsuya YOSHIDA avait réussi à trouver le temps pour
constituer un superbe trio électro acoustique du nom de KOREKYOJIN, aussi signé sur
Tzadik, avec une sensibilité plus jazz et plus funk, mais avec un traîtement toujours
aussi intraîtable et sans concessions.
(D.S)
Quelques liens sur
le sujet:
http://homepage.mac.com/ruinsweb/