The Residents
Je vous préviens tout de suite : la tâche qui m'incombe - celle de vous décrire les
RESIDENTS - est purement impossible. Au fil du temps, on a bien récolté quelques
informations, on a bien fini par égratigner quelque peu cette carapace mystérieusesous
laquelle ces bizarres bonhommes se dissimulent, coiffés de leur haut de forme et revêtus
de leur smokings,ayant pour seul visage cetintrigant et gigantesque globe oculaire. Mais
rien de définitivement tangible ne transparaît.
En fait, les RESIDENTS sont une expérience unique dans le monde de la musique populaire.
Unique à plus d'un titre.Car la perception que l'on peut se faire de leur univers est
toute personnelle.Il n'y a pas deux personnes qui éprouveront les mêmes sentiments à
l'écoute de leur musique.Si bien que chacun est livré à lui-même. Chacun possède sa
vision des Residents.
En guise d'aide ou d'introduction, et sous demande expresse, je vous livre la mienne.
Coupons le gâteau en trois parties pour que les choses soient schématiquement plus
claires :
PHASE 1 - PROPHÉTIE (1972-1980)
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...ou les RESIDENTS nous
montrent la voie dans l'indifférence générale
Ils signent leur véritable premier album en 1974, avec Meet the Residents,
un pastiche à peine dissimulé du Meet the Beatles. Capitol Inc.
verra rouge d'ailleurs, ce qui permit au disque de vivre une carrière
expéditive et aux RESIDENTSs d'avoir déjà une fameuse carte de visite.
Le sens de la satyre de ces joyeux iconoclastes ne fera décidemment pad
l'unanimité.Ils comprennent vite qu'ils ne devront compter sur personne,
si ce n'est sur eux-mêmes. C'est ainsi que Ralph Records voit le jour.Nos
énigmatiques créatures, bien décidés à faire de la musique sans pour autant
savoir comment se servir de leurs instruments,ne feront vraiment rien
comme tout le monde, et d'ailleurs qui, à part les RESIDENTS, aurait pu
publier un frondeur Third Reich and Roll où la pop musique américaine
est dilapidée, et reconstruite à leur manière, chaotique et irrévérencieuse
au possible ? Qui se serait permis d'enregistrer, pour la gueule, un album
sans la moindre intention de le publier ? Il s'agit de Not Available
que seul d'importants problèmes contractuels nous permit d'entendre enfin.
Qui aurait osé un album de 40 titres d'une minute chacun, comme autant
de spots publicitaires (Commercial Album) ? Qui, enfin, avec
Eskimo, se serait attardé sur le folklore inuit devenu grotesque
sous l'effet de leur loupe déformante ?
D'un disque à l'autre, l'auditeur reste hagard, pantois ; il se demande
vraiment ce qui lui arrive. Les RESIDENTS vont loin. Trop loin. Plus loin
que quiconque. Vous ne pouvez pas imaginez. Sans la moindre hésitation,
c'est dans cette période que l'on retrouve à la fois leurs oeuvres les
plus extrêmes et les plus fraîches. A côté de ces missiles, Duck Stab!
ou Fingerprince font encore figures d'albums abordables. Entendons
nous ;abordables pour des albums des Residents. A la guitare, on retrouve
monsieur "Snakefinger", un subtile mélange de Fred FRITH etRobert
FRIPP, excusez du peu.
REPERES DISCOGRAPHIQUES
Santa Dog (EP) (72), Meet the Residents (74), The Third Reich and Roll (75)
Duck Stab!/ Buster and Glen (78), Not Available (78), Eskimo (79)
Fingerprince (76), Commercial Album (80)
PHASE 2 - RÉVÉLATIONS (1981-1987)
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...où les Residents décident de passer aux choses sérieuses
Peut-être leur période la plus "progressive", si pas dans la
forme, dans le fond. Nos compères vont donc s'appliquer et vont travailler
sur une série de concepts. Leurs idées se bousculent tellement qu'ils
n'auront jamais le temps de concrétiser leurs projets comme voulus au
départ. Ainsi, ce qui a fini par être considéré comme la Mole Trilogy
était prévu pour une série de six albums. L'illustration de l'éternelle
lutte des classes qui oppose les Mole, d'une part, malades du travail
et de l'ordre, et les Chub, d'autre part, épicuriens avant toute chose.
Trois disques racontent les batailles épiques que vont se livrer ces deux
tribus.Un disque live sera même publié.
Un autre de leur projet est la série American Composers dont
seul deux albums ont été publié : George and James (pour George
GERSHWIN et James BROWN), et "Stars and Hank Forever" (pour
John Philip SOUSA et Hank WILLIAMS). Il faut toujours autant s'accrocher
mais on reste néanmoins assez insensible à ce que qui assaille nos tympans.
Catastrophe. Un pan du voile est levé en 1988 avec le décès de Phil "Snakefinger"
LITHMAN, seul anglais de la bande.Les RESIDENTS ne vont jamais se relever
de cette perte. C'est depuis lors que les spéculations les plus farfelues
surl'identité de nos lascars sont apparues. Pour ses projets solos, Snakefinger
savait s'entourer, jugez plutôt : des anciens musiciens du Magic Band
de Captain BEEFHEART, Eric Drew FELDMAN, des gars du RED KRAYOLA, des
membres de PERE UBU, et même Fred FRITH. Les soupçons les plus lourds
ont pesé sur chacune de ces personnes. Le plus grave là-dedans, c'est
qu'il n'y a jamais eu aucun démenti ! Tout est possible. Faites vous-mêmes
votre choix. On rapporte cependant que Fred FRITH a été vu en concert
avec les RESIDENTS. De plus, il a publié quelques disques sur leur label.
Mais je m'écarte du sujet...
REPERES DISCOGRAPHIQUES
Mark of the Mole (81), The Tunes of Two Cities (82), The Big Bubble (85),
The Mole Show Live in Holland (87)
George and James (84), Stars and Hank Forever (86)
Whatever Happened to Vileness Fats? (84)
PHASE 3 - RÉDEMPTION (1988- )
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...ou les RESIDENTS perdegagnent
Du coup, c'était à prévoir, les RESIDENTS vont se tourner d'avantage vers
l'électronique et les bidouillages sonores synthétiques. The King and Eye et Cube-E
poursuivent l'exploration masochiste du répertoire populaire américain avec comme
principale victime, Elvis PRESLEY. Freak Show, Gingerbread Man et The
Residents Have a Bad Day marquent le tournant déterminant du groupe vers les
nouvelles technologies, vu que chacune de ces pièces seront déclinées en cd-roms.
En 1998, ils reviennent avec Wormwood, dans la même veine musicale, et qui a
pour cible la Bible, ni plus ni moins.
Il faut ajouter à cela que leur manière suicidaire de mener leur carrière (mais ô
combien intègre et respectable) ne les a en aucun cas aidé à joindre les deux bouts.
Ralph Records fut perdu, ainsi que tout son catalogue. Mais les Residents ont bataillé
dur pour faire renaître un nouveau Ralph Records, récupérer leurs droits et republier
des disques (dont l'excellent God in 3 Persons).
REPERES DISCOGRAPHIQUES
God in 3 Persons (88), The King and Eye (89), Cube-E: Live in Holland (90)
Freak Show (91), Gingerbread Man (94), Have a Bad Day (96)
Wormwood (98), Wormwood Live (99), RoadWorms (00)
UN BON POINT DE DÉPART : la compilation "Our Tired, Our Poor, Our Huddled
Masses" (97)
Aux dernières nouvelles, les RESIDENTS se sont établis en Californie. Ma théorie, elle
vaut ce qu'elle vaut - et puis, j'ai le droit de rêver - c'est que les RESIDENTS n'est
pas un groupe, mais uneformule polymorphe où les musiciens peuvent se relayer puisque
leur identité reste inconnue.Il paraitraît que Les CLAYPOOL, bassiste de PRIMUS, fait
parti du cercle très étroit des connaissances des RESIDENTS. Leur univers décalé, qui
fait aussi bien écho à KING CRIMSON qu'à BEEFHEART, et leur
reprise de Sinister Exagerator (sur le EP Miscellanous Debris)ne rend pas la
chose impossible.
Si les RESIDENTS ont eu pour influence majeure Frank ZAPPA,
Captain BEEFHEART (encore lui), SUN RA ou encore Harry PARTCH, leur déviance a frappé
plus d'un esprit, si bien qu'on ne compte plus aujourd'hui les groupes qu'ils ont, eux,
influencés. On peut songer sans crainte à Mr.BUNGLE, et en particulier, à SECRET CHIEFS
3, le joujou interimaire de leur guitariste, Trey SPRUANCE.
(D.S)
Quelques liens sur
le sujet:
http://www.residents.com/