Cardiacs
C'est dans l'urgence de vous parler d'une
des formations les plus singulières de ces dernières années que je m'apprête à
rédiger ce semblant de texte. Car si j'ai eu la chance d'écouter les CARDIACS, je n'ai
pas tout écouté. Il me sera dès lors difficile de vous en tailler un portrait des plus
fidèles.
Pourtant, ce que j'ai à dire ne s'embarasse pas de formules tarabiscotées où je
tergiverserais tout le long d'une phrase dont on attend avec fébrilité ce
point final devenu crucial qui tarde à venir : c'est génial !
C'est à l'huile de bras que Tim SMITH et d'autres membres de sa famille, Sarah et Jim,
vont constituer ce groupe survolté à la musique emballante et
indescriptible. Refoulé de partout, ignoré de beaucoup, les CARDIACS persistent et
signent quoi qu'il arrive. On ne veut pas les diffuser ? Qu'importe ; ils créent leur
propre label, Alphabet, premier signe d'indépendance obligé, pour diffuser leur musique.
On ne veut pas les écouter ? Peu importe ; contre vents et marrées et face à
d'incessants changements de personnels, la bande à Tim SMITH perdure, se constituant, au
fil des années, un catalogue relativement étoffé. Rendez vous compte : vingt ans
séparent leur dernier album en date, Guns , sorti en 1999, de leurs premiers
essais discographiques (que l'on peut écouter sur Archive Cardiacs ,
datant de 1979) !
Leur premier véritable album est, à mon sens, aussi leur meilleur : A Little Man, A
House And The Whole World Window paraît en 1988, et c'est
précisement ici que nous arrivons tous, chers amis lecteurs, au moment fatidique. Que
dois je écrire pour que l'envie de découvrir ce groupe vous
dévore ? Parfois, trop en dire gâche la surprise. Mais en ce qui me concerne, pour
l'instant, je n'ai franchement pas grand chose à vous mettre
sous la dent, et le peu que je puisse m'essayer à rédiger est encore dans mon esprit
trop confus, trop insaisissable. C'est trop difficile. Et c'est
trop dommage.
Tentons donc un descriptif.Houla, mauvaise idée. Les CARDIACS sont du genre à faire
exploser la structure même de leurs chansons. Ils passent du coq à l'âne, souvent au
sein d'un même titre, parfois changeant d'atmosphère d'un titre à l'autre. L'ambiance
générale est assez pêchue, le rythme entêtant est martellé avec conviction et la
débauche d'énergie ne se fait pas nécessairement par un déluge de notes de guitares
bien crasses. Un
peu entre pub rock et garage band. Cela ne les empêche pas d'y ajouter ce petit
ingrédient qui fait toute la différence : outre leurs structures
souvent tarabiscotées, il y a aussi les arrangements, soignés et précieux, et pour tout
dire, prenants, arrivant à s'échapper des pièges tendus par les
sonorités plastiques des années quatre-vingt. Il y a du ZAPPA ou
du GENTLE GIANT dans leur manière de traîter la musique, la
bousculant, s'amusant avec elle comme un gosse qui essayerais d'imbriquer des pièces de
légo de mille et unes manières.
On Land and in the Sea poursuit un an plus tard la même exploration, même si
le son se veut ici nettement plus dur et enlevé. Le niveau sonore
reste quasi en permanence dans le rouge et la sophistication des arrangements du premier
album se retrouve ici noyé dans un son compact tant
l'album forme un tout, les titres étant pour ainsi dire enchaînés les uns à la suite
des autres. En ce qui me concerne, et au regard de ce que j'ai pu
écouter jusqu'ici, ce sont là leurs deux meilleurs albums, ceux qui font preuve du plus
d'originalité, ceux qui définissent véritablement leur univers.
Songs for Ships and Irons est publié en 1991, mais je n'ai pu me pencher
que sur le cas de sa suite, l'album de 1992, Heaven Born and Ever Bright .
C'est fort peiné que j'ai pu me rendre compte que les CARDIACS ont (du moins pour cet
album) déjà laissé tomber leur niveau de créativité. Si
l'énergie sautillante et entraînante est toujours là, il n'y a plus aucune trace de
cette recherche d'écriture démentielle et iconoclaste. The
Alphabet Business Concern en ouverture a encore ce côté solennel que certains
titres du passé possédaient déjà, mais la longue pièce de huit
minutes qui referme l'album Snakes-a-Sleeping , alors qu'elle avait tout le
temps de ballader l'auditeur et de le secouer, n'en fait rien. L'esprit
d'un MADNESS qui rencontre le XTC des débuts planne sur ce disque. Un mélange déjà
bien improbable mais en deça de ce que le groupe a pu nous
livrer jusqu'ici.
Depuis, ils se sont évidemment collés à l'idée du concept album avec le double et
prétentieux Sing to God Parts I & II , paru en 1996, que leurs
admirateurs considèrent comme un retour à l'excellence de leurs débuts. Sans compter
les innombrables sorties confidentielles faites d'archives ou de
prestations en concert, " Guns " (1999) clôt, pour l'instant, l'histoire du
groupe.
Il n'empêche que malgré cette baisse de régime, un groupe comme Mr.BUNGLE
cite souvent nos amis anglais comme une de leurs références majeures. C'est dire. Se
procurrer un de leurs albums est une entreprise périlleuse et qui coûte relativement
chère. Jusqu'à présent, il n'est possible que de les commander sur leur site et, comme
il s'agit d'auto production, les prix ont tendance à plafonner vers le haut. Mais croyez
moi, si vous êtes un minimum curieux, intéressé à tout et très large d'esprit, le
moindre euro investit dans A Little Man, A House And The Whole World Window
ou On Land and in the Sea en vaut largement la peine.
(D.S)
Quelques liens sur
le sujet:
http://www.cardiacs.com/