Ozric Tentacles
Une référence quoi qu'on en dise. Vous
avez pu en faire l'expérience vous mêmes ; les OZRIC TENTACLES sont intervenus, tôt ou
tard, dans l'une ou
l'autre conversation ayant pour sujet la musique instrumentale, et de préférence
planante.
Nos quatre joyeux lurons, Joie HINTON (claviers), Merv PEPLER (batterie), Ed WYNNE
(guitare) et John EGAN (flûte) n'ont jamais renié l'influence considérable qu'exerce GONG sur leur musique, en particulier le GONG de la fameuse trilogie
The Flying Teapot , Angel's Egg et You . Le jeu d'Ed
WYNNE s'approchant tant que faire se peut des mimiques de Steve HILLAGE lui-même.
Influencés, inspirés, forts proches de leur univers, certes, mais en aucun cas une
décalcomanie. A titre d'exemple, on n'entendra jamais sur un disque des OZRIC ces
passages chantés fumeux et délirants qui parcourent toute la trilogie du groupe de
Daevid ALLEN. Leurs détracteurs doivent sans doute faire partie de ceux qui critiquent
aussi un groupe comme ANEKDOTEN pour son manque d'originalité,
s'inspirant à coup de grosse louche ce qu'a fait de mieux KING CRIMSON.
Et je ne peux pas leur donner tort à cent pourcent.
Bien qu'ayant débutés leurs activités discographiques dès 1984 (une double
compilation, Afterwish, publiée en 1991, se propose comme résumé de leur
genèse), il faudra attendre leur sixième album, Erpland, qui surgit pile poil
à l'entrée des années quatre-vingt dix, pour que le groupe se
transforme alors en réel phénomène. Alors que le monde de la musique pop se ressaisit
peu à peu en sortant du pathétique marasme dans lequel il s'était englué, OZRIC
TENTACLES va contribuer, avec d'autres, notamment The LEVELLERS, SPACEMEN 3 ou JELLYFISH,
au retour en grâce des musiques planantes et psychédéliques produites dans les années
Septante. Sur leur lancée, le groupe va publier coup sur coup une série de disques du
même coffre, issu du même moule et décliné de la même manière. Il va s'agir,
chronologiquement, de Pungeant Effulgent (1990), Strangeitude
(1991), Jurassic Shift (1993) et Arborescence (1994). Cet esprit "
seventies " va se perpetuer même jusque dans le travail artistique réalisé pour
leurs disques qui, à l'instar d'un Roger DEAN pour YES, seront
l'oeuvre, là aussi, d'un seul homme, BLIM.
En dépit de cette continuité, et de cette impression d'osmose - que certains
reprocheront souvent au groupe, les créditant d'un cruel manque de
renouvellement dans l'écriture - beaucoup de choses se seront déroulées durant ces cinq
années, bonnes comme mauvaises, les bonnes amenant les
mauvaises plus précisemment. Vu le succès retentissant de Erpland, le groupe se
voit proposer un contrat avec Capitol qu'il ne refusera pas. En
1993, I.R.S., la firme de disque qui s'occupait de R.E.M. avant qu'ils ne se vendent à la
Warner, va s'occuper de la distribution de leurs disques dans
le pays de l'Oncle Sam, entraînant les OZRIC TENTACLES dans une spirale à succès plus
qu'inattendue, permettant même à Jurassic Shift de rentrer
parmi les dix meilleures ventes de disques en Angleterre ! Mais les résultats escomptés
ne sont pas à la hauteur des espérances de ceux qui avaient décidé de parier, au plus
pressé, sur le bon cheval. Du coup, les OZRIC TENTACLES vont se montrer moins gloutons et
vont revenir à une échelle
plus humaine, la leur, pour tenter de se ressourcer. N'empêche, le mal est fait. Joie
HINTON et Merv PEPLER quittent le groupe pour se concentrer sur leur projet électronique,
EAT STATIC, et OZRIC TENTACLES de trouver très vite des remplaçants en les personnes de
SEAWEED aux claviers et RAD à la batterie.
Leur premier disque à paraître sous ce nouveau line-up, Become the Other,
datant de 1995, n'est pourtant pas très éloigné de ce que l'on avait pu
entendre sur leur dernier Arborescence. Mais ce retour à la confidentialité n'a
pas aidé le groupe à conquérir une nouvelle audience, si bien qu'ils entament alors une
traversée du désert avec la publication, très honorables tout de même, de disques
comme Curious Corn en 1997 ou le plus expérimental et électroniquement
guidé Waterfall Cities , deux ans plus tard, qui va aider à définir d'ici peu
la renaissance, du moins artistique, du groupe.
Car, en effet, si le son a évolué, le groupe vivant avec son temps, ce dernier a
toujours su avec grande intelligence assimiler et ingérer l'influence persistante des
musiques trance et techno qui, ce serait mentir que de le nier, se prête à ravir à leur
univers. Mélangé à ce goût prononcé pour les voyages intersidéraux, voire
intersidérants, amenés par des passages instrumentaux absolument renversants, avec ce
sens du groove toujours aussi irrésistible, entretenu par la basse profonde, quasi dub,
de ZIA qui n'a pas quitté le groupe depuis Jurassic Shift, OZRIC TENTACLES
continue, en vers et contre tout, à distiller sa musique qui se nourrit de plus en plus
de la beauté des musiques orientales.
Si l'année 2000 voit la publication de Swirly Termination, un devoir contractuel
d'après les membres du groupe, elle marquera aussi le retour au
tout premier plan de cette formation de fusion planante anglo-saxonne avec l'excellent The
Hidden Step, leur meilleure réalisation depuis
longtemps, voire peut-être même leur meilleur album, tant ici tout semble être
parfaitement mis en place et coule de source. Reste à espérer qu'il ne
s'agit pas là de la dernière manifestation de ce groupe, ou sa livraison étalon pour la
décennie à venir, comme le fût en son temps Erpland.
OZRIC TENTACLES est un cas à redécouvrir qui, de par son intégrité et sa foi
inaltérable, alimentera encore souvent nos conversations, et plus qu'on ne le croit dans
les années à venir.A côté d'un DJAM KARET dont ils adoptent parfois le même profil,
les OZRIC TENTACLES se montre pourtant nettement supérieurs, ne fût ce qu'en terme de
sensibilité.
(D.S)
Quelques liens sur
le sujet:
http://www.ozrics.com/