Thinking
Plague
Devenu le temps d'un album,
In Extremis (1998), le chouchou de toute l'intelligentsia progressive
qui reconnaissait en ce disque toutes les vertus qui allaient réunir les
afficionados de courants aussi divers que le symphonique, l'avant garde,
l'alternatif, le free jazz ou le rock in opposition, THINKING PLAGUE se
révèle être un groupe à l'histoire chaotique, le rendant plus proche de
l'idée d'un laboratoire à multiples facettes que de celle d'une véritable
entité à la forte personnalité.
Au départ enfant de Mark FULLER, Mike JOHNSON et Bob DRAKE (futur légende
de la scène progressive pour son travail colossal en tant qu'artiste solo
ou au sein des 5 UU'S), les premiers enregistrements
du groupe remontent déjà à 1984 puisqu'ils publient sur leur propre label,
Endemic Records, un album sobrement intitulé ...A Thinking Plague.
On y décèle déjà une foule d'éléments qui nous confortent dans l'idée
que l'on tient là une formation prometteuse ; une écriture complexe, déjà
ces arrangements
hors du commun que l'on doit à DRAKE, et pour finir, une synthèse intelligente
de tous les courants exposés plus hauts. Avec une sonorité qui rappelle
la new wave (How to Clean Squid), THINKING PLAGUE a aussi ce
flair infaillible qui leur permet de passer au travers du piège de la
compromission à son époque, qui aurait été de donner la part belle à une
ribambelle de synthétiseurs. Au lieu de ça, leur musique reste très originale
et organique, à grand renfort de percussions ou d'instruments à cordes,
évoquant à la fois les aspects plus expérimentaux des Residents
et l'héritage de groupes influents comme Henry
Cow ou Univers Zero.
Pour leur second album, Moonsongs, qui est publié en 1987 sur
le label anglais Dead Man's Curve, Susanne LEWIS vient remplacer à bon
escient Sharon BRADFORD au chant. Le line-up se conforte dans l'axe FULLER-JOHNSON-DRAKE
augmenté de Lewis alors que quelques invités viennent prêter main forte
à l'ensemble pour lui donner cette densité particulière qui renvoit, ici
encore, aux travaux d'Henry Cow, cette fois,
période In Praise of Learning. On y retrouve déjà un Étude
for Combo qui, onze ans plus tard, trouvera sa forme finale sur In
Extremis sous le titre Les Étude d'Organism, rencontre entre
ce titre et Organism qui figurera, lui, sur l'album suivant...
Un répertoire en perpétuel évolution donc, loin d'être figé. Ce n'est
qu'en 2000, suite au succès public et artistique de In Extremis
que la genèse du groupe, par le biais de ces deux albums, refera surface
; les deux albums réunis sur un seul cd, Early Plague Years,
publié par Cuneiform.
Toujours aussi enclins aux expérimentations les plus diverses, THINKING
PLAGUE continue sa folle trajectoire avec In This Life (1989),
deux ans plus tard, qui, en soi, consiste déjà un formidable aboutissement.
La palette des sons s'intensifie et fait preuve d'une grande variété permettant
à leur musique d'accéder à une richesse et une profondeur qu'ils avaient
jusqu'alors tenté d'approcher, en incluant des influences prononcées et
bien utilisées
des musiques et folklores étrangers. In This Life, plus nerveux,
est en fait, avec le recul nécessaire, bien plus que In Extremis,
l'album à retenir de THINKING PLAGUE. L'Album avec un grand A. FULLER
parti, c'est désormais autour de JOHNSON, DRAKE et LEWIS que le groupe
s'articule. Signé sur le label de Chris CUTLER, Recommended, il va bénéficier
des avis éclairés de ce dernier et du concours de Fred FRITH. Désormais,
le groupe atteint un statut culte qui ne se démentira pas, malgré un silence
prolongé. Mieux ; ce silence et la faible disponibilité de In This
Life vont asseoir la réputation légendaire du groupe.
Avant le grand retour, LEWIS et DRAKE collaboreront ensemble pour HAIL
et deux albums d'avant-rock/pop (Turn of the Screw et Kirk)
qui n'aura en fin de compte que très peu d'échos. DRAKE, à présent bien
introduit dans le milieu R.I.O. rencontre Dave KERMAN qu'il suit d'abord
dans la parenthèse MOTOR TOTEMIST GUILD, U TOTEM,
puis au sein des 5 UU'S avec lesquels il signera
leurs deux meilleurs albums, Crisis in Clay, mais avant Hunger's
Teeth où ils sont rejoints par Susanne LEWIS qui, elle, poursuivra
son chemin sur le disque du collectif Biota, Object Holder en
1995, puis enregistrera un album sous le nom Kissyfur (avec le
titre Frambuesa), et un autre sous son propre nom.
Il faudra donc attendre pas moins de neuf années pour voir une suite à
In This Life. C'est donc le tant adulé In Extremis qui
voit le jour, en 1998, sur le label Cuneiform. Attention, qu'on ne s'y
trompe pas ! L'album est excellent, sans aucun doute une des meilleures
productions artistiques de l'année, mais le groupe, dans sa quête absolue
de perfection tend à surproduire l'album, et finit par noyer ses idées
dans un flot continu d'effets qui fait se perdre le groupe dans un dédale
de titres aux multiples tiroirs. Cette fois, THINKING PLAGUE est clairement
la chose de Mike JOHNSON, qui signait déjà tout le matériel du groupe,
Bob DRAKE collaborant seulement sur deux titres et ramenant avec lui son
ami Dave KERMAN de l'aventure 5 UU'S. Sont aussi
recrutés Deborah PERRY en remplacement de Susanne LEWIS (une voix moins
sensuelle et qui évoque d'autant plus l'ombre d'une Dagmar KRAUSE), qui
partira d'ailleurs rejoindre le nouveau 5 UU's - ça va ? vous suivez toujours
? - et Dave WILLEY qui fera grand bruit en 2000 avec le troisième album
de son groupe HAMSTER THEATRE, Carnival Detournement.
A l'heure d'écrire ceci, un nouvel album est annoncé pour l'année 2003,
et bien malin qui pourra dire de quels membres cette fois le groupe sera
constitué, et ce qu'il nous réserve...
A History of Madness,
sorti en Septembre 2003, répond enfin à nos attentes. Shane
HOTLE a été remplacé par Matt MITCHELL aux claviers
et David SHAMROCK, du groupe SLEEPYTIME GORILLA MUSEUM officie à
la batterie à la place de David KERMAN (présent aux percussions
sur deux titres seulement). On trouve ici une volonté expérimentale
et atmosphérique plus marquée, comme du temps des premiers
albums (en particulier Moonsongs et In This Life) ce qui
rend plus difficile d'accès cet album. THINKING PLAGUE confirme
en tous les cas son statut de leader de l'Avant Prog du moment.
(D.S &P.R)
Quelques
liens sur le sujet:
http://www.bdrak.com/tp