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Dossier 10 groupes pour en finir avec le progressif italien par Domenico Solazzo
Nous avons déjà parlé dans
ces colonnes des ténors de la scène progressive italienne ; qu'il s'agisse
du néo-classique BANCO DEL MUTUO SOCCORSO, des
symphoniques LE ORME et PREMIATA
FORNERIA MARCONI, ou de l'avant-gardiste AREA...
Bien que je ne sois pas du type à vouer un culte aveugle à tout ce qui
fait du côté transalpin (bien au contraire), je ne peux que m'incliner
face à la qualité des leurs productions musicales dans le giron
progressif, issues dans les années soixante-dix. Il n'est pas question
non plus de faire une fixation ; les italiens n'ont pas été les seuls
à embarquer sur le navire. L'Angleterre reste, quoi qu'on en dise, le
vivier le plus important de formations en tout genre, talonné de très
près par l'Allemagne. Chacuns avec leur style propre. Mais l'Italie se
distingue par une sensibilité particulière que, sans pouvoir éviter la
redondance, on qualifiera de latine et qui, pourtant, ne se retrouve pas
chez des artistes espagnols comme TRIANA, par exemple.
Je sais que
j'ai répété ça un millier de fois pour une floppée de disque, mais là,
très sincèrement, je crois que l'on tient notre chef-d'oeuvre absolu,
LE disque progressif de tous les temps, toutes catégories confondues.
Ys est L'Album ! En fait, avant la venue de Gianni LEONE, IL BALLETTO
DI BRONZO était un groupe psychédélique. J'en veux pour preuve leur premier
album, Sirio 2222, paru en 1970. Mais en 1972, avec la venue
de ce
CELESTE PRINCIPE DI GIORNO C'est tardivement que CELESTE publie son premier véritable album (en dépit d'une musique de film parue deux ans plus tôt) : Principe di Giorno sort donc en 1976, et si IL BALLETTO DI BRONZO utilisait le mellotron pour lui faire vômir ses tripes, ici nous sommes aux antipodes d'une telle démarche puisque CELESTE va tirer parti de ce magnifique instrument pour broder des nappes d'un calme olympien et d'un bienfait apaisant. Aérien, atmosphérique, vaporeux, il incarne la quintessence même de ce que le progressif transaplin a pu créer de plus délicat et de plus subtil. Avec l'intervention d'instruments aussi divers que le saxophone, la flûte ou la guitare acoustique, Principe di Giorno est fait de mille couleurs que la plénitude apparente de sa pochette ne demande qu'à révéler. CELESTE nous a pondu là la bande sonore d'un rêve éveillé.
DUELLO MADRE DUELLO MADRE Peu d'information à se mettre sous la dent pour ce groupe qui, tout de même, nous propose une de ces galettes pas piquées des hannetons ! Vous avez adorez les deux premiers KING CRIMSON ? Vous aimez les relans jazzy de SOFT MACHINE ? N'allez pas plus loin ; Duello Madre est fait pour vous. Avec cette production chaude et cotonneuse que l'on retrouvait partout à l'époque, le groupe italien nous offre sans doute le disque d'Italie se rapporchant le plus, et le premier, de l'école, dite, de Canterbury. Si le saxophone donne de la voix et le ton général, c'est surtout la basse qui focalise toute notre attention ; on a droit à un vrai festival, sans verser, à aucun moment, dans la démonstration stérile. C'est un disque généreux, vivant, au feeling intense et dont les vibrations résonnent encore après chaque écoute.
LOCANDA DELLE FATE FORSE LE LUCCIOLE NON SI AMANO PIU L'album de LOCANDA DELLE FATE est considéré, et à juste titre, comme le dernier classique du rock symphonique transalpin. Seul disque de l'histoire du groupe, sa notoriété poussera d'abord le label Mellow à publier un live sans intérêt,ensuite le groupe à se reformer quinze ans plus tard, pour une suite qui n'a comme seule et triste répercussion que de ternir l'image d'un disque qui se suffisait à lui-même. Publié sur Polydor en 1977, Forse le Lucciole non si Amano piu est gorgée de cette mélancolie qui fait de Wind & Wuthering le disque le plus introverti et le plus sensible de toute la carrière de GENESIS. Pas moins de sept musiciens travaillent à l'exécution d'un album aux thèmes enchevêtrés et aux mélodies d'orfèvre qui mettra à genoux tout amateur de belles choses. Si le disque véhicule une sensibilité à fleur de peau, il n'en est pas pour autant fait de guimauve ; la complexité des arrangements renvoyant, elle, aux plus belles heures d'un GENTLE GIANT.
MAXOPHONE MAXOPHONE Avec un chanteur au timbre évoquant à la fois Peter GABRIEL, Phil COLLINS et Zucchero FORNACCIARI, MAXOPHONE était assuré de rencontrer un succès public. D'ailleurs, pour la peine, une version anglaise a été enregistrée. Et, comme c'est souvent le cas, elle est loin d'égaler la version originale. Pourtant, malgré cet "atout", l'essence même de Maxophone (1975) repose sur les six multi instrumentistes qui le constitue, tous issus de formations classiques ou d'avant-garde. La musique ne souffre pourtant pas de l'hermétisme qui découle trop souvent de ces courants. C'est même plutôt tout le contraire ; tirant les enseignements de ce qui leur a été inculqué, et allant piocher dans les folklores traditionnels l'âme nécessaire à l'achèvement d'une musique qui se veut vivante, les membres de MAXOPHONE font partis de ces prodigieux talents qui stimulent les sens grâce à leur esprit de synthèse. On trouve de tout dans ce disque ; du jazz, du rock, du néo-classique, du pastoral, du lithurgique, de l'avant-garde, du minimalisme, même du gospel ! Tout cela sans choquer le moins du monde. Tous ces thèmes s'imbriquant les uns les autres dans une parfaite harmonie, faisant de ce disque un des plus riches au niveau de sa texture ; qu'il s'agisse de vibraphone, de harpe, de violon, de saxophone, une quantité faramineuse d'instruments auront été nécessaires à la constitution de cet univers, au final, empli de délicatesse et d'un raffinement extrême.
Auteur d'un
concept album qui, bien évidemment, parle de la condition humaine, MUSEO
ROSENBACH fait partie de cette école dite de "hard symphonique"
qui, à l'instar d'un BALLETTO DI BRONZO, n'hésite pas à opter pour une
dureté de ton, d'autant plus stigmatisée qu'elle est souvent utilisée
comme valeur de contraste. Là aussi, la référence étant bien évidemment
le KING CRIMSON première époque. Mis à part la
flûte, vous
PICCHIO DAL POZZO PICCHIO DAL POZZO Auteur de
deux albums (dont le second n'a toujours pas fait l'objet de réédition
à ce jour, on commence à connaître la chanson), PICCHIO DAL POZZO jouit
subitement, depuis moins d'un an, d'une solide réputation que la publication
de bandes inédites, sous le titre Cammer Zimmer Rooms, par le
label américain Cuneiform, ne démentira pas. Au lieu de vous pencher sur
ces fonds de tiroirs, sympathiques mais pas transcendants, je vais rédiger
ce compte rendu tel un supplique pour vous inviter à tenter l'expérience
et découvrir leur album éponyme de 1976. Picchio di Pozzo est
un incroyable tour de force, l'album imaginaire d'une réunion ponctuelle
de tous les membres de la scène de Canterbury
sur un disque...pourtant réalisé en Italie ! Qu'il s'agisse des vocalises
à la WYATT, ses mélodies poignantes et sa folie douce, qu'il s'agisse
des passages planants à la GONG ou des interventions
incandescantes au saxophone renvoyant à NUCLEUS, ainsi que les arrangements
précieux d'un HATFIELD AND THE NORTH ou
PIERROT LUNAIRE PIERROT LUNAIRE , GUDRUN Tout comme OPUS AVANTRA, mais à rebours, le groupe d'Arturo STALTERI, PIERROT LUNAIRE, va voguer d'une musique aux teintes néo-classique et folk assez prononcées (Pierrot Lunaire) à une aventure expérimentale et avant-gardiste unique en son genre (Gudrun). Alors que ces deux disques partagent une sonorité semblable, situant leur différence au niveau des objectifs visés, beaucoup privilégient l'un plutôt que l'autre, le premier remportant souvent les faveurs des amateurs de musique aux relans champêtres alors que le second se voit élevé au rang de disque culte par les fans inconditionnels de R.I.O. et de musique de chambre. En réalité, ces deux albums sont complémentaires dans leur diversité, l'analyse d'un même aspect selon deux angles de vue différents. Pierrot Lunaire, paru en 1974, est alors dominé par le son des guitares acoustiques, de la flûte et même un peu de sitar. De courtes plages romantiques aux fragrances folkloriques que viennent souligner de frêles interventions vocales. Peu ou presque pas de passages où une rythmique classique (basse, batterie) aurait l'occasion de s'exprimer. Gudrun (1976), quant à lui, dernier témoignage avant le split final, voit l'arrivée de Jaqueline DARBY au chant et qui laissera longtemps des traces indélébiles dans l'esprit de ceux qui se seront risqués à l'écoute prolongé de l'étrange et pourtant fascinant Plaisir d'Amour, sur fond sonore sursaturé. Farouchement original et décalé, et pour tout dire franchement éloigné de ce que l'on peut attendre du progressif italien, Gudrun fera les beaux jours de ceux qui aiment être surpris. Et il y a matière à l'être. Un disque comme celui-là ne se révélant qu'après moultes écoutes.
QUELLA VECCHIA LOCANDA QUELLA VECCHIA LOCANDA, IL TEMPO DELLA GIOIA Groupe à la carrière éclair mais qui relève d'une importance capitale dans le paysage progressif italien, QUELLA VECCHIA LOCANDA est probablement le groupe (et pas seulement italien) qui a le mieux réussi la synthèse entre musique de chambre et rock progressif. Au départ, pourtant, rien ne laissait présager une telle direction ; son premier album éponyme de 1972 faisant figure, on le sait, de JETHRO TULL survitaminé, de la guitare bluesy à la flûte typique et expressive. Le son général évoque, oui, on peut le dire, le hard rock de l'époque, c'est donc peu dire que l'étape suivante était assez inattendue. Enfin, presque, puisqu'on peut en percevoir les prémices sur des titres comme Prologo, en ouverture et Sogno, Risveglio, E... en bout de course. Et puis, quand je dis inattendue, c'est plutôt et surtout étonnant. Étonnant comme revirement, mais étonnant comme réussite ! Il Tempo della Gioia (1973) ne comporte quasi plus aucune trace de cette hargne développée il y a seulement un an de cela, et c'est à renfort de large section d'instruments à cordes que le groupe va créer une des références absolues du progressif italien, une espèce de valeur étalon, un modèle du genre. Superbe, riche, profond, terriblement romantique, classisant en diable, il ne retient que les moments les plus baroques et/ou pastoraux d'un P.F.M. pour les pousser à leur extrême dans des mélodies dont le charme vous fera, à coup sûr, succomber.
SEMIRAMIS DEDICATO A FRAZZ Dernier groupe
de cette sélection, Semiramis signe avec son unique Dedicato a Frazz,
à l'horible pochette, le disque le plus chaotique de ceux passés en revue
jusqu'ici. Autour d'une formation assez conventionnelle, l'atout majeur
provient pourtant de la présence appuyée d'un xylophone qui vient en contrepoint
d'une musique comme résultante d'un collage surréaliste. Les parties de
guitare acoustique renvoyant au folklore local ne dissimulent
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